Scène 5
Shéhérazade : Il était une fois trois princesses, trois sœurs,
Fatima et Nadia et Djamila. Fatima l’ainée, était douce et
érudite, passionnée d’art et de littérature et s’intéressait
aux sciences. Tous les sujets de son père disaient
qu’elle était la tête du royaume et qu’elle était toujours de
bon conseil; aussi son père ne prenait-il jamais de
décision importante sans la consulter.
Nadia était la plus jeune et la plus gâtée ce qui faisait
d’elle une petite peste prétentieuse et capricieuse.
Djamila prise entre ces deux sœurs remarquables, était
effacée et mélancolique, elle errait dans le palais en
soupirant d’ennui essayant d’éviter le plus possible Nadia
qui n’avait de cesse de lui faire des farces de mauvais
goût et la faisait accuser de ses frasques chaque fois
qu’elle le pouvait.
Rashid : Pauvre Djamila son sort est bien triste!
Shéhérazade : C’est ce que pensait Fatima. Elle s’inquiétait beaucoup
pour sa sœur et cherchait un moyen de lui rendre le
sourire.
Fatima : Nadia je viens te parler de Djamila, elle ne mange plus rien, ne
dort pas, erre dans le palais, son regard est vide, plus rien ne
semble l’intéresser, elle est pâle et fragile et j’ai peur que cette
mélancolie n’est raison de sa raison.
Nadia : N’est raison de sa raison, très drôle…. Mais que veux tu que j’y
fasse, elle n’a jamais été très rigolote je l’ai toujours vue pleurer
sur son sort et ne s’amuser de rien! J’ai bien essayé mille fois de
la faire rire et de l’associer à mes jeux mais elle me déteste et ne
veut jamais me voir.
Fatima : Je ne crois pas qu’elle te déteste, mais peut-être que tes farces
et ta tendance à la faire accuser à ta place la mène à t’éviter.
Nadia : Ah voilà! C’est de ma faute si elle est incapable de profiter du
moindre plaisir et qu’elle préfère rester dans son coin!
Fatima : Je ne t’accuse de rien, je cherche un moyen de venir en aide à
Djamila. Toi qui a souvent des idées saugrenues, que pourrions
nous faire pour que notre sœur reprenne gout à la vie.
Nadia : La mettre en danger de mort, lui faire vraiment peur pour qu’elle
se rende compte qu’elle tient à la vie plus qu’elle ne le croit.
Fatima : Ton idée est dangereuse. Non, j’attends de toi une idée
amusante, inventive, que tu mette à profit ton esprit espiègle et
drôle.
Nadia : Je ne sais pas et je n’ai pas envie d’être responsable du bien
être de Djamila, j’ai déjà assez à faire avec le mien!
Fatima : Ton égoïsme est sans limite, tu ne penses qu’à toi et à ton
plaisir!
Nadia : Oui et alors, je suis comme ça et puis de toutes façons je suis
sure que rien de ce que nous ferions ne suffirait à rendre le
sourire à Djamila.
Djamila : Vous avez prononcé mon nom ? Vous parliez de moi, sans
doute, Nadia, as-tu quelque nouveau reproche à me faire, ou
m’accuses-tu de tes derniers méfaits…
Fatima : Mais non, Djamila, nous cherchions une idée pour te faire
plaisir, pour te changer les idées. Est-ce que quelque chose te
ferait plaisir ?
Djamila : La seule chose qui me ferait plaisir c’est que vous m’ignoriez!
Fatima tu as bien à faire avec la politique et Nadia a surement
un cours de danse, un massage, un bain ou une fête qui
l’attend.
Nadia : Tu vois qu’est-ce que je t’avais dit elle ne veut pas de notre aide
ou de notre compassion. Tu as vu comme elle me méprise,
quand elle parle de mes occupations elle a ce petit air
ironique….
Fatima : Arrêtez ! Déjà vous pourriez vous parler au lieu de passer par
moi. Djamila, tu es de plus en plus pâle, tu ne manges rien
depuis plusieurs jours, tu ne dors plus, tu es toujours triste et
seule, nous voulons t’aider.
Nadia : Si tu voulais mourir, tu ne t’y prendrais pas autrement, mais moi
je te trouve jolie comme ça blanche et transparente on dirait une
fée……
Djamila : C’est ça je suis une fée et je ne veux pas de votre aide, et je
vais vous confier un secret si vous me promettez de ne rien
faire ni dire qui pourrait m’empêcher de réaliser mon dessein.
Fatima : Si tu as un dessein, rien ne peut nous faire plus plaisir, non
seulement, nous ne t’empêcherons pas de réaliser ton projet,
mais nous t’y aiderons.
Nadia : Promis, je ne dirais rien! Raconte !
Djamila : Je ne sais pas si je peux vous faire confiance.
Fatima : Je te donne ma parole et me porte garant de celle de notre
petite sœur.
Djamila : Mes sœurs, je vais vous dire adieu, demain à l’aube je partirai
et ne reviendrai pas.
Fatima : Tu ne peux pas faire ça! Où iras-tu? Que vas dire notre père?
Son chagrin sera immense…..
Djamila : Notre père pense à me marier et ne souffrira pas de mon
absence, il passe des semaines entières sans me croiser
même du regard et se soucie peu de ce que je fais, il ne se
rendra pas compte de mon départ avant des semaines…
Nadia : Elle a raison, tout le monde s’en moque on ne verra pas la
différence, et si elle devait se marier elle devrait partir de toutes
façons. Il faut organiser ta fuite ça c’est rigolo… j’ai lu une
histoire, dans laquelle il y a un enlèvement on pourrait te faire
enlever.. Je sens que je vais adorer ça!
Fatima : Et ma peine tu y as pensé, tu vas beaucoup me manquer et tu
ne m’as pas répondu, où iras-tu?
Djamila : Je quitte notre pays et je vais en Europe rejoindre un groupe de
femmes de tous les pays, des femmes qui disent que nous
avons des droits et que nous pouvons choisir nos vies.
Fatima : Ici aussi tu as des droits, c’est moi qui fait les lois et je suis une
femme, notre père m’écoute et nous avons changé beaucoup
de choses pour les femmes dans tout le royaume.
Djamila : C’est facile pour une fille de roi, adorée de son père, mais moi
qui n’ai jamais eu ses faveurs et qui ai passé mon temps avec
les servantes et les esclaves je sais qu’ici rien n’est possible
pour une femme que de prendre l’époux que son père lui aura
choisi, de lui faire des enfants et de lui obéir.
Fatima : Reste ici et tu m’aideras à faire changer la condition des
femmes, je m’y engage!
Nadia : Laisse la partir ! Je croyais que tu voulais son bonheur ! Alors
c’est qui l’égoïste ? Tu voulais son bonheur à condition qu’il
n’empêche pas le tien ! Tu vois tu donnes toujours des leçons
aux autres mais quand il faut passer à l’acte il n’y a plus
personne! Moi je t’aiderai Djamila et tu partiras vivre ton rêve!
Djamila : Jamais je n’aurais pensé que tu me comprendrais, Nadia,
j’aurais même parié sur ton envie de me dénoncer, quant à toi
ma chère Fatima je pensais au contraire que tu serais de mon
côté…. Je vous écrirais souvent et je vous tiendrais au courant
de nos avancées dans le mouvement des femmes libres.
Rashid : Et alors elle est partie? Et ce « mouvement des femmes libres »
c’est quoi ?
Shéhérazade : Oui elle est partie et elle écrivait beaucoup à ses sœurs,
mais l’aube est là et je crois que le temps de la deuxième
épreuve est arrivé. Rejoins tes compagnons d’arme le
Grand Maharajah ne va pas tarder.
Rachid : Et si j’ai raté la première épreuve?
Shéhérazade : Ne t’inquiète pas, tu es perspicace, je suis sure que tu as
réussi.
Musique et danse….